La pandémie de COVID-19 a entraîné un sévère rationnement de la délivrance de soins, aggravé par une contraction de la demande induite par les restrictions de déplacement ou la peur de la contamination. Il en a résulté une augmentation considérable des besoins de soins non satisfaits, en particulier chez les personnes les plus malades et/ou les plus pauvres. La télémédecine, largement reconnue comme une solution facilitante de l'accès aux soins, s'est développée dans la plupart des pays européens en tant que mécanisme de maintien de la continuité soins, même pour les personnes âgées, et même en France où cette pratique était auparavant peu développée.
Ce travail traite la question de l'équité dans l'utilisation de la télémédecine depuis l'apparition du COVID-19, dans le cas spécifique de la France. Il cherche à mieux comprendre les caractéristiques des utilisateurs des téléconsultations et, en particulier, comment l'état de santé, le profil sociodémographique et la zone de résidence des individus influencent le recours.
Nous utilisons pour cela les données de l'enquête SHARE, à la fois dans sa forme traditionnelle avant la pandémie (vague 8) et dans sa version réduite et adaptée à un recueil téléphonique pendant les pics de l'épidémie (SHARE-Corona vagues 1 et 2). Ces données sont appariées avec des données contextuelles de l'ARCEP sur la qualité de la couverture internet au niveau du département (NUTS3). L'échantillon d'analyse est restreint à la France.
En première approche, nous modélisons conjointement les probabilités de recours à la télémédecine et d'utilisation d'internet à l'aide d'un Probit bivarié. Pour traiter de manière plus appropriée l'endogénéité probable entre ces deux phénomènes entre l'utilisation de l'internet et de la télémédecine, nous adoptons une approche par variables instrumentales en utilisant la qualité de couverture internet comme instrument.
Les données SHARE nous permettent d'analyser simultanément le recours à la télémédecine et la fréquence d'utilisation d'Internet. En outre, la richesse des données nous permet de tester un grand nombre d'hypothèses en relation avec divers comportements et caractéristiques des personnes interrogées : composition du ménage, statut socio-économique, niveau d'éducation, type de zone de résidence (rurale vs. urbaine), état de santé, habitudes de recours aux soins de santé, et éventuels besoins de soins non satisfaits au cours des premiers mois de la pandémie.